Troisième opus du cycle de Kingsbridge. Le lecteur retourne dans cette ville, au XVIe siècle. Contrairement aux deux premiers livres, la ville est sa cathédrale n’ont cette fois qu’un rôle secondaire. L’histoire se déroule essentiellement en Angleterre et en France, et il est beaucoup question de religion, à cette époque où beaucoup de choses changent dans ce domaine. Luther a lancé des idées, considérées hérétiques par le pape, qui aboutissent au protestantisme, et si celui-ci rencontre de nombreux adhérents, il suscite également une forte et violente opposition.
En Angleterre, l’avènement de la reine Élisabeth 1e permet au puritanisme protestant de l’Église anglicane de devenir majoritaire, cependant des ultras catholiques sont bien décidés à renverser ce régime par tous les moyens, incluant le meurtre. Toute l’Europe se ligue contre cette souveraine contestée, en particulier l’Espagne, alors puissance dominante. Marie, reine d’Écosse, rêve de prendre la place d’Élisabeth et ne reculera devant rien pour la faire chuter. En France, les protestants, surnommés huguenots, sont traqués et exécutés, toutefois leur culte se répand dans la clandestinité, au grand dam du duc de Guise, qui leur voue une haine sans faille.
Le décor est planté, reste la plume et le génie de Ken Follett pour créer et faire vivre des personnages autour d’une intrigue aux multiples ramifications. Ned Willard, protestant anglais, a 18 ans lorsqu’il revient à Kingsbridge après une année d’absence. Il compte bien épouser la jolie Margery Fitzgerald, bien qu’elle soit catholique, mais la famille de la jeune fille lui impose un mariage d’intérêt avec Bart, le vicomte de Shiring. Miné par le chagrin, Ned quitte la ville et devient un proche conseiller de la reine. Pendant ce temps, Rollo, le frère de Margery, sombre dans l’intégrisme catholique.
À Paris, le jeune Pierre Aumande est un arriviste dénué de tout scrupule qui rêve d’entrer dans l’entourage des Guise et d’être considéré par eux comme un égal. Pour parvenir à ses fins, il n’hésite pas à séduire la naïve Sylvie Palot, à qui la foi protestante donne la force de lutter contre les revers de l’existence.
La période va de 1558 à 1620. Le lecteur voit donc grandir, vieillir et mourir les nombreux personnages, au cours de rebondissements souvent inattendus ; des péripéties qui semblent sans rapport entre elles finissent par converger et petit à petit toutes les pièces se trouvent réunies pour le feu d’artifice. Le tout colle parfaitement à la réalité historique, puisque beaucoup de personnes ayant vraiment existé croisent les fictives au long de ces pages. On se retrouve rapidement pris par le récit, on rage contre les traîtres et les salauds, on s’attache à la charmante Margery, à la gentille Sylvie, au sympathique Ned, on a de la haine pour ce fumier de Pierre, et le sournois Rollo, on tremble lors des tentatives d’attentat ou de libération, on frémit d’horreur à la saint Barthélémy ou pendant l’attaque de l’Invincible Armada espagnole, on pleure quand certains protagonistes disparaissent. Le rythme est sans temps mort, le style parfait, le suspense savamment entretenu, les intrigues (politiques, amoureuses, familiales…) élaborées de main de maître.
L’histoire des Piliers de la Terre se passait au XIIe siècle, celle d’Un monde sans fin au XIVe, celle-ci au XVIe. Si l’auteur poursuivait sur cet élan et nous proposait dans le futur de retourner à Kingsbridge au XVIIIe, puis au XXe siècle, je répondrais sans la moindre hésitation à l’invite !